Bien planifiées, des donations successives, déclinées sous différentes formes, permettent de transmettre habilement un patrimoine de son vivant tout en diminuant la note fiscale.
Donation : Situation budgétaire catastrophique oblige, les lois de finances adoptées ces dernières années n’ont pas été tendres avec les donations. La suppression des réductions d’impôt sur les donations consenties avant 80 ans, l’abattement pour les transmissions aux enfants passé de 159 325 euros à 100 000 euros, l’impossibilité de bénéficier d’un nouvel abattement pendant les quinze ans qui suivent le premier, contre six ans auparavant, l’absence de revalorisation des barèmes, tout laisserait penser que les donations n’ont plus aucun intérêt, malgré l’adoption récente d’abattements pour les transmissions de terrains à bâtir ou de logements neufs. C’est faux. La donation reste le moyen le plus performant d’organiser la transmission de son patrimoine.
Elle permet d’éviter les conflits successoraux, de favoriser des proches avec l’assentiment des autres, d’affecter ses biens en fonction des attentes des héritiers et, enfin, de les transmettre au mieux fiscalement malgré les récents coûts de canif de Bercy. Déclinable sous différentes formes, renouvelable et modulable, la donation s’adapte à toutes les situations familiales. Il faut en profiter. Si vous vous y prenez vers la soixantaine, et même beaucoup plus tôt pour les dons d’usage et les dons manuels, vous pourrez jouer sur toute la gamme mise à votre disposition par la loi. Lancez-vous. Pour vous y inciter, retenez ce chiffre : en quinze ans, un couple avec deux enfants peut leur transmettre 527 460 euros sans que le fisc ne prélève sa dîme.
Le don d’usage : des cadeaux renouvelés chaque année et toujours défiscalisés
Un don est un cadeau. Les textes parlent de “don d’usage” ou de “présent d’usage”. Dans ce cadre, vous pouvez donner de l’argent, une oeuvre d’art, un bijou, une voiture, des équipements ménagers sans être taxé. Aucun texte ne fixe un montant maximal. Pour échapper à l’administration fiscale, vous devez respecter deux règles. D’abord, vos dons d’usage doivent être d’un montant raisonnable par rapport à votre niveau de vie. Il faut donc observer un principe de proportionnalité entre votre don, vos ressources et votre patrimoine. Autrement dit : plus vous êtes riche, plus votre présent peut avoir de la valeur.
Ensuite, il doit impérativement être réalisé pour une grande occasion : anniversaire, réussite aux examens, fêtes (Noël, Pâques…), mariage, naissance… Le fisc a admis que des parents ou des grands-parents pouvaient alimenter le plan épargne logement de leurs enfants et petits-enfants jusqu’au plafond légal de 61 200 euros par des dons d’usage successifs jamais taxables. Et vous pouvez raisonner ainsi pour tous types de placements : livrets d’épargne, contrats d’assurance vie souscrits au nom de vos descendants…
Le don manuel : un coup de pouce d’au moins 31 865 euros pour démarrer dans la vie
Le don manuel, c’est la façon la plus simple et la plus rapide de transmettre des biens. Vous donnez de la main à la main un meuble, un tableau, un véhicule ou, le plus souvent, une somme d’argent ou des valeurs mobilières. Il y a ainsi don manuel si vous procédez par chèque ou virement. Il faut distinguer deux types de dons. Le premier, à utiliser en priorité, c’est le don Sarkozy. Ce sont des dons familiaux limités à 31 865 euros octroyés en pleine propriété à un enfant, petit-enfant, arrière-petit-enfant ou, à défaut de descendants, à un neveu ou une nièce.
Le donateur doit être âgé de moins de 80 ans et le donataire, être majeur ou mineur émancipé. Ces dons renouvelables tous les quinze ans, en raison des règles du rapport fiscal, doivent être déclarés par le donataire au service des impôts de son domicile. Ils ne sont pas taxables et ne sont, gros avantage, pas pris en compte si vous voulez faire une nouvelle donation à la même personne. C’est là qu’intervient le second type de don. Vous consentirez alors un don manuel “classique” qui entamera l’abattement applicable en fonction du lien de parenté avec votre donataire (100 000 euros pour un enfant, 31 865 euros pour un petit-enfant ou 7 967 euros pour un neveu). Tous les quinze ans, sans avoir aucun droit à verser au Trésor public, une personne peut ainsi transmettre à chacun de ses enfants 131 865 euros et à chaque petit-enfant 63 730 euros, tandis qu’un oncle donnera 39 832 euros à un neveu.
C’est une aubaine à ne pas laisser passer mais il faut agir avec prudence. Tout d’abord, calibrez votre don pour ne pas trop vous dépouiller. Pensez aux charges que aurez à supporter l’âge venant. Mais, surtout, vous devez tenir compte de la part réservataire de vos enfants et donner uniquement dans la limite de la quotité disponible.Si vous ne respectez pas ces règles, ceux qui s’estiment lésés seraient fondés à mener une action en réduction. D’autre part, vous avez la possibilité de demander à ce que les sommes soient affectées à un placement précis. Dans ce cas, vous devrez rédiger un document appelé pacte adjoint. Enfin, il faut obligatoirement déclarer le don au fisc et éventuellement payer des droits si les abattements ont été totalement utilisés lors de dons précédents.
La donation notariée : une transmission sécurisée pour donner un bien déterminé à la personne de son choix
La donation notariée, c’est la transmission par excellence. Le notaire se charge de rédiger l’acte, de vous conseiller en fonction de votre patrimoine et de votre situation de famille, de vérifier les droits à abattement et les exonérations possibles, de déposer une déclaration au fisc et de payer les droits exigibles… Pour les biens immobiliers, la donation notariée est la seule possible. Elle a plusieurs avantages. Vous pouvez donner la seule nue-propriété des biens et conserver l’usufruit. Celle-ci est à privilégier car elle vous laisse la jouissance et les revenus de vos biens mais diminue également la base d’imposition puisque seule la nue-propriété est taxable après application des abattements. Dans l’acte notarié, vous pouvez préciser si la donation est faite en avancement d’hoirie ou par préciput.
Dans le premier cas, il s’agit d’une donation en avance sur la part successorale du donataire. Il reçoit un bien sur son héritage sans rompre l’égalité entre les héritiers. C’est pourquoi il en sera tenu compte à votre décès pour calculer les parts revenant à chacun en fonction du droit civil, sauf à préciser dans l’acte que la donation est dispensée de rapport civil, cette dispense n’étant pas possible pour le rapport fiscal. Dans le second cas, votre libéralité est hors part successorale. Vous attribuez au donataire un bien prélevé sur la quotité disponible en plus de sa part réservataire. Vous le favorisez par rapport aux autres héritiers. Bien entendu, si vous n’avez pas d’héritiers réservataires, vous êtes libre de vos donations. Ainsi, rien n’interdit à un oncle ou à une tante, veufs et sans enfants, de donner à un seul de leurs neveux une part importante de leur patrimoine au détriment des autres collatéraux.
La donation partage : la voie royale pour anticiper la transmission de ses biens à tous ses enfants
Les dons manuels ont un effet pervers. Lorsque les biens donnés ou acquis avec les sommes transmises se valorisent, c’est cette valeur qu’il faudra retenir à votre décès pour déterminer les droits de chaque héritier. Si un donataire a fait de bons placements alors que l’autre a tout dépensé, il sera défavorisé car on estimera qu’il a déjà beaucoup reçu.
Pour une transmission familiale, la donation-partage évite ce problème. Elle a un double avantage. Elle gèle les valeurs données au jour de la donation car il n’y a pas de rapport civil. Elle rassemble les enfants autour d’un projet car ils doivent tous l’accepter pour qu’elle porte effet. Vous n’êtes pas obligé de leur donner exactement des biens de même valeur et vous pouvez y intégrer les donations simples effectuées précédemment afin de ne pas trop vous dépouiller de votre patrimoine.
Il est aussi possible de faire une donation-partage conjonctive. Les parents donnent à leurs enfants des biens propres. Par exemple, un père peut donner une maison dont il a hérité et une mère, le bien acheté avant son mariage. Chaque enfant recevra l’un de ces biens propres, mais le bien sera censé être donné par les deux parents. Chacun aura ainsi deux abattements de 100 000 euros, contre un seul s’il s’agit d’une donation simple.
La donation intergénérationnelle : le moyen idéal de transmettre à toutes les générations d’une même famille
La donation-partage n’est pas réservée aux seuls enfants. Elle peut impliquer vos petits-enfants. En effet, si vous souhaitez leur donner un bien par donation simple, vous devez le faire dans la limite de votre quotité disponible car ils ne sont pas vos héritiers réservataires. Ce qui limite vos possibilités. Il faut donc consentir une donation-partage intergénérationnelle. Dans le même acte, les enfants et leurs parents (vos enfants) sont associés. Ces derniers acceptent que la donation faite à leurs enfants (vos petits-enfants) entame leurs droits dans votre succession. Ils recevront donc moins à votre décès mais vous aurez sauté une génération et évité deux niveaux de taxation, la première lors de votre décès, la seconde lors de la transmission par vos enfants à vos petits-enfants. Ce mode de donation est souple car vous n’êtes pas tenu d’en faire profiter tous vos petits-enfants. Une seule contrainte vous est imposée. Tous les petits-enfants d’une même souche (c’est-à-dire issus d’un même enfant) doivent être concernés.
La donation graduelle ou résiduelle : une seule donation pour deux transmissions espacées dans le temps
Ce sont des donations en deux temps. L’acte prévoit que le premier donataire transmettra à son décès le bien donné à un bénéficiaire de deuxième rang. La donation est graduelle lorsque le premier donataire doit conserver le bien en l’état jusqu’à son décès. Elle s’applique surtout aux immeubles. La donation est résiduelle lorsque le premier donataire a pour seule obligation de transmettre ce qu’il aura conservé. Elle est adaptée aux comptes-titres, le deuxième donataire recevant du premier le portefeuille reconstitué au fur et à mesure des années. Ce type de donation présente un double intérêt. Vous prévoyez le devenir de vos biens à long terme tout en favorisant dans un premier temps un enfant sans désavantager l’autre. Et fiscalement, c’est payant. Par exemple, vous donnez un bien à un enfant, à charge pour lui de le transmettre à son frère à son décès. Une donation simple sera soumise aux droits en ligne directe mais la seconde, au tarif entre frères, qui est beaucoup plus lourd.
Avec une donation graduelle ou résiduelle, les deux transmissions sont faites par vous et supportent les droits en ligne directe. En plus, sur la seconde donation, on déduit les droits payés lors de la première !
Crédit : L’Express – Robin Massonnaud